A Parcours d’Exil nous recevons des patient.e.s dont les droits les plus fondamentaux ont été bafoués. Les femmes ont généralement une double peine dans leur parcours de vie traumatique : être née fille amène d’autant plus de risques de violences dans un monde où les droits des femmes sont encore loin d’être égaux à ceux des hommes.
44% de notre patientèle sont des femmes et ce chiffre augmente d’année en année. Les patientes que nous recevons ont toutes plusieurs couches de traumatismes en lien avec leur genre : mutilations sexuelles, mariage forcé, violences conjugales, viols/agressions sexuelles (dès l’enfance pour certaines)… A tout cela s’ajoute la précarité, la difficulté d’accès à l’éducation, aux soins, au travail… Je souhaiterais partager avec vous aujourd’hui l’histoire de l’une d’entre elles.
Mme T. est suivie par 3 soignantes au sein de Parcours d’Exil : médecin, psychologue et moi-même, ostéopathe. Chacune d’entre nous recevons des petits bouts d’elle et de son histoire au cours de nos soins. Mme T. souffre de troubles du sommeil, d’hypervigilance, elle revit ses traumatismes en journée sous forme de souvenirs intrusifs et de flash-back. Tous ces symptômes de Trouble de Stress Post-Traumatique (TSPT) s’accompagne d’ énurésie nocturne, de douleurs lombaires chroniques et de céphalées depuis son départ de Côte-d’Ivoire. Ces plaintes somatiques sont aussi une porte d’entrée vers leurs causes traumatiques et un travail pluridisciplinaire s’est alors engagé.
Lors des consultations, Mme T. n’acceptait pas forcément le contact physique, ce qui n’empêchait en rien la prise en soin ostéopathique. Au contraire, renforcer l’alliance thérapeutique et l’autonomie de la patiente prend tout son sens dans ce cas précis. Au travers d’exercices reproductibles à son logement et des techniques de respiration, le but était d’abord de lui ramener de la contenance et une connaissance de ses propres limites corporelles, puisque celles-ci n’ont pas été respectées dans le passé. Par la suite, cette patiente a réussi à me demander un soin où mes mains étaient en contact avec elle et j’ai pu travailler sur sa sphère digestive et lombaire.
Nous avons pu alors voir avec tout ce travail engagé Mme T. se transformer et s’emparer de tous les outils annexes que nous lui proposions : groupe de parole, musicothérapie, atelier pour parler de l’excision… Mme T. a repris le pouvoir de faire ses propres choix là où son chemin de vie l’en avait privé. Après un trimestre de soins à parcours d’Exil, Mme T. n’avait plus d’énurésie ni de douleurs lombaires.
Cet exemple illustre combien des soins appropriés en équipe mais surtout avec l’engagement de la patiente peuvent amener des bienfaits extraordinaires. La clé de tout parcours de soins pour ces femmes est d’abord de reconnaitre que leurs droits n’ont pas été respectés ni entendus, et notre rôle en tant que soignant.e est de l’accompagner dans cette reprise de contrôle corporelle, psychique et sociétale.
Agathe Mercier – Ostéopathe
